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Quels sont les risques de responsabilité du dirigeant en cas de liquidation judiciaire de son entreprise ?

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Marguerite Schaetz

03 octobre 2024

5 minutes

La liquidation judiciaire d'une entreprise marque souvent la fin d'une période de difficultés financières insurmontables. Pour le dirigeant, cette situation peut avoir des conséquences sur le plan de sa responsabilité.

En effet, en cas de défaillance, la responsabilité personnelle du dirigeant peut être mise en cause sous certaines conditions, notamment s’il a commis des fautes dans la gestion de l’entreprise. Parmi les risques auxquels il est exposé, figure la responsabilité pour insuffisance d'actif et la faillite personnelle.

1. La responsabilité du dirigeant pour insuffisance d'actif : un mécanisme de sanction financière

A) Qu'est-ce que l'insuffisance d'actif ?

L’insuffisance d’actif se produit lorsque, au cours de la liquidation judiciaire, les actifs de l'entreprise sont insuffisants pour couvrir son passif. Cela signifie que l’entreprise ne dispose pas des fonds nécessaires pour rembourser ses créanciers.

Dans ce cas, le tribunal peut décider d’engager la responsabilité personnelle du dirigeant, en le condamnant à combler tout ou partie de cette insuffisance d’actif.

B) Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pour insuffisance d'actif

La responsabilité pour insuffisance d’actif n'est pas automatique : elle repose sur la démonstration d'une faute de gestion de la part du dirigeant. Conformément à l'article L. 651-2 du Code de commerce, cette sanction peut être prononcée si le dirigeant a commis des fautes ayant contribué à l’aggravation de la situation financière de l’entreprise ou à sa cessation de paiements. Ces fautes peuvent inclure :

- L'absence de tenue d'une comptabilité régulière ou l'inexactitude des comptes.

Par exemple, lorsqu'un dirigeant n’a pas mis en place une comptabilité précise, empêchant ainsi toute évaluation réelle de l'état de l'entreprise et conduisant à une liquidation judiciaire (Cass. com., 8 juin 2010, n° 09-66.215).

- La poursuite abusive d'une activité déficitaire.

Par exemple, lorsqu'un dirigeant continue à exploiter une activité en dépit de pertes répétées et significatives, sans prendre de mesures de redressement, conduisant à l'aggravation de la situation financière (Cass. Com., 6 février 2007, n°06-11.485).

- Le non-respect du délai de 45 jours pour déclarer l'état de cessation des paiements de l'entreprise.

Lorsque l'entreprise n'est plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, le représentant légal a l'obligation légale de déclarer l'état de cessation des paiements dans les 45 jours. Par exemple, lorsqu'un dirigeant tarde à déclarer la cessation des paiements et continue d’accepter des commandes alors que l’entreprise est déjà insolvable (Cass. com., 28 juin 2011, n° 10-24.121).

- Une augmentation inconsidérée des charges ou des dépenses.

L'augmentation déraisonnable des charges de l'entreprise sans corrélation avec les revenus ou la capacité financière de l'entreprise constitue également une faute de gestion. Par exemple, lorsqu'un dirigeant engage des dépenses disproportionnées par rapport aux ressources de l'entreprise, en investissant dans des projets risqués alors que l'entreprise ne peut déjà plus faire face à ses dettes (Cass. com., 10 déc. 2013, n° 12-29.526).

- La souscription de dettes excessives sans perspectives réalistes de remboursement.

Par exemple, lorsqu'un dirigeant souscrit des prêts ou des crédits sans réelle justification économique, uniquement pour retarder une situation de cessation de paiement inévitable (Cass. com., 4 mai 1993, n° 91-16.305).

C) Les conséquences pour le dirigeant

Si le tribunal établit que le dirigeant est responsable de l’insuffisance d’actif, celui-ci peut être condamné à combler tout ou partie du déficit avec ses fonds propres.

Cette condamnation a pour but de réparer le préjudice subi par les créanciers, en faisant peser la charge sur le dirigeant fautif.

Il est important de noter que la condamnation pour insuffisance d'actif n’est pas systématique. Le tribunal apprécie au cas par cas, en fonction de la gravité des fautes commises et de l'ampleur des conséquences pour l'entreprise.

2. La faillite personnelle du dirigeant : un mécanisme de sanction personnelle

A) Qu'est-ce que la faillite personnelle ?

Il s'agit d'une sanction lourde prévue par l'article L653-2 du Code de commerce, qui vise à interdire à un dirigeant, pendant une durée déterminée, d’exercer des fonctions de gestion, d’administration ou de direction d’une entreprise.

Cette sanction est envisagée lorsque le dirigeant a commis des fautes graves de gestion ayant contribué de manière directe et significative à la faillite de l’entreprise.

Elle peut être prononcée en complément de la condamnation pour insuffisance d’actif, voire indépendamment, en fonction des circonstances.

B) Les motifs de la faillite personnelle ?

La faillite personnelle du dirigeant peut notamment être entrainée par la caractérisation des fautes suivantes :

- L'utilisation des biens de l'entreprise de l’entreprise à des fins personnelles constitue une faute grave.

Par exemple, lorsqu'un dirigeant utilise les fonds de l’entreprise pour financer ses dépenses personnelles, y compris des achats de biens de luxe ou des voyages personnels, contribuant ainsi à l’insuffisance d’actifs lors de la liquidation (Cass. com., 10 déc. 2013, n° 12-29.526).

- Comportement frauduleux dans la gestion de l'entreprise.

Des manipulations comptables, des détournements de fonds ou encore l'établissement de fausses déclarations fiscales ou sociales sont constitutifs de comportements frauduleux.

Par exemple, lorsqu'un dirigeant dissimule volontairement une partie des recettes de l’entreprise pour échapper aux créanciers et aggrave ainsi la situation financière de la société (Cass. com., 7 mars 2012, n° 11-10.007)

- Détournement ou dissimulation d'actifs pour les soustraire à la liquidation judiciaire.

Cela inclut le transfert d'actifs à des sociétés écrans ou la vente d'actifs à des proches à des prix sous-évalués. Par exemple, lorsqu'un dirigeant vend des actifs de l’entreprise à des sociétés appartenant à des membres de sa famille à un prix largement inférieur à leur valeur réelle, juste avant la mise en liquidation (Cass. com., 17 janv. 2012, n° 11-11.289).

- Le défaut de coopération avec les organes de la procédure collective.

Le refus de coopérer avec l’administrateur ou le liquidateur judiciaire, ou l'entrave à leurs actions pour tenter de redresser ou liquider l’entreprise, est une faute de gestion grave pouvant justifier la faillite personnelle. Par exemple, lorsqu'un dirigeant refuse de fournir les documents comptables nécessaires à la liquidation de l’entreprise, ou ne se présente pas aux convocations des organes de la procédure collective (Cass. com., 25 nov. 2020, n° 18-23.170).

C) Les conséquences de la faillite personnelle

En plus d’être interdit de gérer une entreprise, le dirigeant peut également faire l'objet d'autres sanctions comme :

  • L'interdiction d'exercer certaines professions liées au commerce ou à la gestion ;

  • Une interdiction de créer ou de reprendre une nouvelle entreprise pendant une durée déterminée (jusqu'à 15 ans dans les cas les plus graves).

La faillite personnelle est donc une sanction qui frappe durement la capacité du dirigeant à rebondir après la liquidation judiciaire, en limitant ses possibilités de reprendre une activité professionnelle en tant que dirigeant d'entreprise.

3. Comment éviter d'engager sa responsabilité en tant que dirigeant

Pour un dirigeant, plusieurs mesures peuvent être prises afin de limiter les risques de voir sa responsabilité engagée pour insuffisance d'actif ou de subir la faillite personnelle :

  • La vigilance dans la gestion : adopter une gestion rigoureuse, anticiper les difficultés financières et prendre des décisions prudentes sont essentiels pour éviter d'être accusé de faute.

  • La déclaration rapide de la cessation de paiements : dès que la situation l’exige, il est impératif de déclarer la cessation de paiements dans les 45 jours, faute de quoi le dirigeant s’expose à des sanctions plus lourdes.

  • L’assistance juridique : faire appel à des conseillers spécialisés permet au dirigeant de prendre les bonnes décisions et d’anticiper les risques.

  • La transparence avec les organes de la procédure collective : coopérer pleinement avec les administrateurs et les liquidateurs judiciaires est essentiel pour éviter d’aggraver sa situation personnelle.

Edma Avocat est un expert en procédure de liquidation judiciaire d'une entreprise et saura vous conseiller dans la sauvegarde de la responsabilité du dirigeant.

N'hésitez pas à nous contacter pour avoir un premier avis d'un avocat au téléphone.